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JACQUES LAURENT PEIROTES

 Par Guy PEIROTES le 7 février 2012

 

Jacques PEIROTES est sans conteste le membre le plus célèbre de la famille, ayant exercé des fonctions politiques éminentes à Strasbourg et marqué sa ville de son empreinte. Arrière- petit-fils de Barthélémy PEYROTTES, né à Strasbourg en 1869 de Jaques PEIROTES qui était menuisier et d’Emma ELLES, il eut un destin exceptionnel. 

Nous  avons « emprunté dans le livre « 1869-1935 Jacques Peirotes et le socialisme en Alsace » aux Editions BF 1989 et trouvé dans des archives familiales  les éléments qui suivent. 

Elève de l’Ecole Saint-Jean jusqu’à l’âge de 14 ans, il est  apprenti typographe rue du Dôme à Strasbourg de 1883 à 1888. Conformément aux traditions d’apprentissage de l’époque en Allemagne pour les ouvriers du livre, il  complète sa formation par un tour d’Europe. Ilcommence par la Suisse où il travaille à Zürich et Genève, puis c’est l’Italie avec Milan et Turin. Ensuite il élargit son horizon avec Brixen, Salzbourg, Graz, Vienne, Budapest et ensuite la Bulgarie. De retour en France en  1894/1895, il travaille à Marseille et Lyon et ensuite dans un grand journal parisien. 

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 Son tour de France et d’Europe terminé, il revient à Strasbourg et entre en 1895 à l’imprimerie de l’Elsässer –journal clérical-comme typographe où il travaille jusqu’en 1898. En 1899 il rentre comme typographe au journal socialiste  « Die Freie Presse » où il devient très vite rédacteur puis directeur politique en 1901.

 Dès 1885, Jacques Peirotes avait adhéré à une société de secours qui s’était organisée pour créer une organisation syndicale pour les ouvriers du livre sans tomber sous les coups de la répression antisocialiste de l’époque. Lors de son tour  d’Europe il découvre le socialisme et ses responsables européens. A Vienne il est militant socialiste et rencontre Engels et Bebels  (fondateur et dirigeant du parti social démocrate d’Allemagne) fraichement élu député de Strasbourg. A Paris il rencontre Jean Jaurès qu’il entendra à nouveau en 1904 au Congrès de l’Internationale à Amsterdam.  A son retour à Strasbourg en 1895 il adhère au parti socialiste allemand, le S.P.D. Parlant l’alsacien,  il est très apprécié dans les cercles locaux socialistes et il devient président  de la Fédération sociale-démocrate  d’Alsace –Lorraine qu’il représente aux congrès nationaux ainsi qu’aux Congrès de la Deuxième Internationale en 1904 à Amsterdam et 1907 à Stuttgart. Il appartient à l’aile modérée dite « révisionniste » du parti. 

Les socialistes deviennent de plu en plus influents à Strasbourg à partir de 1896. En 1902 douze socialistes sont élus au Conseil Municipal  dont Jacques Peirotes. En 1906 ils constituent le groupe politique le plus important du Conseil dont Peirotes prend la présidence en 1914. Cette même année, les autres grandes villes alsaciennes voient également la progression importante des socialistes aux élections municipales. 

Suite à des revendications et à des manifestations des socialistes alsaciens pour obtenir la création d’une République d’Alsace-Lorraine intégrée à l’Empire allemand,  ,l’Empereur Guillaume II accorde à l’Alsace une constitution de « Land » en 1911 avec un parlement composé de deux Chambres  dont la seconde est élue au suffrage universel avec une certaine autonomie législative et budgétaire. Avec un quart des suffrages, les socialistes obtiennent 11 députés au Landtag dont Jacques Peirotes devient le Président du groupe.

 Parallèlement, les dirigeants socialistes voient leur influence grandir dans les élections pour les députés au Reichstag à Berlin entre 1890 et 1912. Rappelons que ces élections accordaient à l’Alsace  depuis 1874 quinze députés au Reichstag. En 1912 les socialistes  obtiennent un grand succès à ces élections  avec 34 % des voix. Jacques Peirotes est élu à Colmar. 

Comme député au Reichstag il tente de s’opposer avec son groupe au vote des crédits de guerre. Accusé d’ "amitiés " françaises dans son journal "Die Freie Presse ", il est envoyé en résidence surveillée en Allemagne en 1915 pendant quelques semaines.

 Pendant toute cette période de guerre, il défend avec vigueur au Landtag comme au Reichstag les droits des Alsaciens-Lorrains  victimes de répression de la part des autorités allemandes et organise le ravitaillement de la population civile de Strasbourg.

 En octobre 1918 il prend la tête des députés alsaciens-lorrains  pour réclamer un retour inconditionnel de l’Alsace-Lorraine à la France en excluant toute hypothèse de recours à un plébiscite ou à une neutralisation.

 Face à un « conseil » des mutins des ports militaires de la Baltique  revenus à Strasbourg (16000 alsaciens avaient été enrôlés de force dans la Kriegsmarine), le 10 novembre 1919 Jacques Peirotes créé la République (sous entendue française).Il  est élu maire de Strasbourg par le Conseil Municipal. Il siège en même temps au Conseil des Ouvriers et soldats et au « Gouvernement Provisoire » désigné par le Landtag devenu « Conseil National ». Du 10 au 21 novembre 1918,  comme un peu partout en Europe, c’est la révolution bolchévique à Strasbourg avec le drapeau rouge qui flotte sur la cathédrale, les dépôts d’armes et de munitions et de denrées dévalisés. Enfin le 21 novembre  un premier détachement de Bretons arrive à Strasbourg et l’ordre est restauré avec le drapeau tricolore hissé sur la cathédrale.

 Le 29 novembre 1918 le Haut-commissaire français dissout le Conseil Municipal et nomme une Commission  municipale avec  Peirotes, vice-président, assurant en fait la direction des services municipaux. En 1919 Jacques Peirotes est réélu maire et le restera jusqu’en 1928.

Pendant toutes ces années, il met en œuvre une politique municipale socialiste modérée, à l’opposé de tout bolchévisme,  qui aboutira à d’importantes transformations de la ville à travers la création d’Offices (Office des travaux, d’assistance et de prévoyance, de placement, d’hygiène, d’assurances sociale, de propagande, du logement, habitations à bon marché, des jardins ouvriers).    003-7.jpg                       

Il se présente aux élections législatives en 1924 sur la liste socialiste et est élu. Il est réélu en  1928 dans la 1re circonscription de Strasbourg. En 1932 il  ne se représente pas.
A la Chambre, il s'inscrit au groupe socialiste et prend tout de suite une part considérable à la vie parlementaire, défendant principalement les intérêts de l'Alsace-Lorraine..

Il meurt  le 4 septembre 1935. Son journal "Presse libre" a continué à connaître une belle carrière. Une rue porte son nom à Strasbourg où un monument  a été érigé à sa mémoire.037.jpg036.jpg

Jacques Peirotes aura donc connu un destin exceptionnel en ayant été élu maire d’une ville  allemande, réélu quand la ville est redevenue française ;  élu député au Reichstag  à Berlin avant de le devenir à l’Assemblée nationale française. Tout ceci au début  du XXème siècle, bien avant qu’on ne parle de Député européen !

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